Paul Meyer
Un vent de liberté
VIRTUOSE
À LA TENUE STYLISTIQUE PARFAITE, ÉTINCELANT DANS TOUS LES REGISTRES DE SON
INSTRUMENT, LE CLARINETTISTE PAUL MEYER S’EST IMPOSÉ DANS LE MONDE ENTIER PAR
SON JEU BRILLANT, RACÉ ET VIF-ARGENT. EGALEMENT CHEF D’ORCHESTRE ET MUSICIEN DE
CHAMBRE ACCOMPLI, RIEN DE CE QUI CONCERNE SON ART NE LUI EST ÉTRANGER.
Allure juvénile, Paul Meyer franchit allègrement les
années depuis sa victoire en 1984 (il était à peine âgé de dix-neuf ans) au
Young Concert Artists de New York. Cet Alsacien de cœur a très vite gagné ses
galons de concertiste international après avoir fait ses premiers pas aux
Opéras de Lyon et de Paris comme clarinettiste solo, puis auprès de Claudio
Abbado dans l’Orchestre des Jeunes de la Communauté Européenne. Toujours en
mouvement, d’une curiosité insatiable, à la tête d’une discographie à large
spectre couvrant quatre siècles de musique, il se refuse à la sécurité de celui
qui n’a plus rien à prouver ainsi qu’aux interprétations figées. Capable d’utiliser
des clarinettes en bois d’époque en même temps que celles de la marque
Buffet-Crampon pour aborder le répertoire des xviiie et xixe
siècles, ce musicien hors pair ne craint pas de repenser sa propre conception
et de se remettre en cause : « Depuis mes années de conservatoire
à Paris, j’ai toujours affirmé mon indépendance même si cela n’a pas été
toujours facile. Aujourd’hui encore je n’entre pas nécessairement dans le moule
préétabli, mais je préfère arpenter mon propre chemin, chercher des solutions nouvelles
même si cela peut susciter un débat et prêter à controverse. » Très
ancré dans le temps présent mais respectueux d’un héritage auquel il apporte un
supplément d’âme, Paul Meyer est apprécié de nombreux compositeurs
contemporains (Agobet, Bacri, Berio, Jarrell, Mac Millan, Penderecki, Canat de
Chizy et plus récemment Corigliano) qui lui confient en toute sérénité la
création de leurs œuvres.
La passion de la
direction d’orchestre
Outre ses activités de concertiste, Paul Meyer mène
une carrière très remarquée de chef d’orchestre. On a pu l’entendre récemment
accompagner les concurrents du Concours de piano Reine Elisabeth de Bruxelles,
mais cette activité ne date pas d’aujourd’hui : « Je m’y consacre
intensément depuis de nombreuses années et de plus en plus. En réalité j’ai
débuté avec l’Orchestre de Chambre d’Alsace après avoir suivi l’enseignement de
John Carewe dont j’ai été l’assistant au Northern Junior Philharmonic en
Angleterre. C’était un excellent pédagogue qui a aussi formé Simon Rattle et m’a
mis le pied à l’étrier. En 2007, Myung-Whun Chung m’a nommé chef associé à
l’Orchestre Philharmonique de Séoul où j’ai dirigé beaucoup de musique
française (Dukas, Roussel, Saint-Saëns…). J’ai pu ainsi me faire connaître en
Chine, et surtout au Japon qui possède des orchestres d’un remarquable
niveau ; l’Orchestre Philharmonique NHK de Tokyo peut se comparer à
l’Orchestre de Paris et même des phalanges comme celles de Kanazawa ou
Hiroshima tiennent leur rang. Mon prochain concert sera à la Filature de Mulhouse
pour le concert festif du Nouvel An où je mêlerai des pages connues avec des
pièces rares car je suis toujours en quête de découvertes. »
L’éloge de la
convivialité
Sans la musique, la vie serait une erreur »
prétendait Nietzsche. Cette affirmation, Paul Meyer
pourrait la reprendre à son compte tant sa vie tout entière est immergée dans
une passion chevillée au corps. Ouvert à des expériences multiples, cet
interprète d’exception recherche avant tout, à travers son art, la relation
avec l’autre. S’il témoigne d’une admiration sans borne pour son aîné Michel
Portal et a fréquenté des partenaires tels que Yehudi Menuhin, Gidon Kremer,
Yuri Bashmet, Jean-Pierre Rampal, Mstislav Rostropovitch ou Isaac Stern comme
les plus grands chefs du moment, il n’hésite pas à se confronter à la jeune
génération : « C’est une nécessité et même si j’enseigne peu avec
quelques heures de musique de chambre dispensées au Conservatoire de Région de
Paris, je vois dans mon activité une dimension sociale. Avec mes amis des Vents
Français, je continue de vivre une expérience toujours aussi enrichissante. Au
Festival de l’Empéri que j’ai fondé en 1983 avec le pianiste Eric Le Sage et le
flûtiste Emmanuel Pahud, je retrouve chaque année un lieu privilégié d’échanges
dans une totale collégialité. Nous fêterons d’ailleurs cet été les
25 ans d’existence de cette manifestation marquée du sceau de la
convivialité et qui aborde avec des artistes venus de tous les horizons un pan
de la musique de chambre parfois oublié. »
Aaron Copland en
primeur
À la Philharmonie, il retrouve l’Orchestre
Philharmonique de Radio France, une formation qu’il connaît parfaitement pour
s’être produit avec elle à de nombreuses reprises et l’avoir même
dirigée : « Je me réjouis d’aborder le Concerto de Copland avec
Mikko Franck, un chef que j’apprécie beaucoup tant sur le plan professionnel
que personnel. J’ai une relation particulière avec ce Concerto que j’ai
enregistré en 1993 avec David Zinman à la tête de l’English Chamber, mais je ne
l’ai, curieusement, jamais joué en public. J’avais rencontré Benny Goodman – le
créateur de l’œuvre en 1950 – quand j’ai gagné le Concours Young Concert
Artists à New York ; il était présent dans la salle et m’a téléphoné pour
me rencontrer. J’étais jeune mais cela m’a profondément marqué. La partition de
Copland est relativement brève (elle dure une vingtaine de minutes) mais
s’avère complexe et difficile à mettre en place. La clarinette s’impose dès le
début par une lente mélodie dans le style ancien avec un orchestre discret,
puis aborde une cadence proche de l’esprit d’Appalachian Spring. Le
final, enchaîné, fait en revanche la part belle à une orchestration très
puissante avec une forte influence jazzy. » Gageons qu’une nouvelle
fois Paul Meyer saura nous faire vibrer au rythme d’un souffle venu du plus
profond de son être.
Michel Le Naour